Quelle nouvelle normalité ? Un point de vue de Juan Villanueva.

Mes espoirs pour un monde post-pandémie, c’est que les choses s’améliorent. Que les échanges sur l’accès, l’inclusion et l’égalité ne cessent jamais. Et que davantage de personnes trouvent leur manière d’aider, d’y contribuer.

Juan Villanueva, designer typographique chez Monotype.

Juan Villanueva, designer typographique chez Monotype, a été interviewé par Print Magazine pour évoquer sa vision de ce que pourrait être la nouvelle norme post-pandémie. Dans un esprit introspectif, il a été interrogé sur la différence entre son «ancienne normalité» et sa «nouvelle normalité» au sein de son travail créatif et de son mode de vie. L’occasion d’explorer ce que signifie pour Juan l’idée de cette «nouvelle normalité» post-pandémie – et selon vous ?


Première publication sur Print Magazine.

Je sais que les choses ne seront plus pareilles après la pandémie. Nous avons perdu plus de deux millions d’individus avec ce virus. Certains étaient mes proches. Mais malgré tout ce que nous avons traversé l’an dernier, je dois continuer à aller de l’avant. Quand j’y réfléchis, j’ai de la gratitude pour les opportunités qui m’ont été offertes par le fait d’avoir un travail. Nouer des liens avec des designers et des étudiants du monde entier. Trouver de nouvelles manières de contribuer à la communauté du design.

Je travaillais déjà à distance quand la pandémie est survenue. En fait, je suis en télétravail en tant que designer typographique chez Monotype depuis cinq ans. Mon équipe travaille sur des zones géographiques et fuseaux horaires variés, donc même lorsque nous avions un bureau, nous communiquions régulièrement par chat ou visioconférence. Je suis heureux d’échanger mes déplacements contre des activités plus épanouissantes et thérapeutiques, comme dessiner des lettres. Je pense que travailler à distance peut être considéré comme normal de nos jours, et cette évolution me convient.

Les rencontres en personne me manquent, mais le passage au numérique a ouvert les portes de tant de communautés dans le monde entier. Tout d’un coup, la ville de New York n’était plus si éloignée, et vice versa. Plutôt que d’attendre une conférence, un événement ou des vacances pour voyager et rencontrer du monde dans d’autres villes ou pays, il est devenu courant d’organiser des appels par visioconférence pour collaborer et passer du temps ensemble. De nombreux liens se sont renforcés durant cette période, et de nouveaux se sont tissés avec des designers de tous horizons.

Dans ce contexte de pandémie, j’ai notamment eu le plaisir de participer aux événements TypeCook de Letrastica et au tout premier tournoi typographique d’Amérique latine. Occasionnellement, nos meetings se sont transformés en soirées dansantes sur Zoom, ce qui était assez marrant. J’ai aussi assisté à beaucoup de cours et conférences en ligne sur le design, l’histoire, l’éducation, la pédagogie, etc. Avant la pandémie, cela aurait été inaccessible pour des raisons géographiques, financières ou d’emploi du temps. C’était très nouveau pour moi, et j’espère vraiment que ces communautés vont continuer à s’épanouir et s’adapter à un monde hybride post-pandémie. Même si j’ai toujours hâte de voyager et de retrouver les autres quand ce sera de nouveau prudent.

Je suis également formateur. J’ai enseigné la typographie en présentiel au cours des cinq dernières années. Mais nous avons dû passer entièrement en ligne quand la pandémie a frappé. J’ai démarré un nouveau cours en ligne sur le design de typographies d’affichage pour Type@Cooper. Le domaine du design typographique est majoritairement masculin et blanc. Étant l’un des rares designers typographiques BIPOC dans mon domaine, enseigner m’apporte une occasion de changer les choses et de faire entendre de nouvelles voix. J’ai donc créé une collecte de fond Display Type BIPOC, pour offrir une bourse d’études aux designers noirs, autochtones et de couleur souhaitant suivre mon cours.

Jusqu’à présent, j’ai mis en place ce système de bourse à trois reprises. Cela a permis de financer au moins cinq places à chaque fois. Je continue d’enseigner en ligne, et peut-être en présentiel lorsque cela redeviendra envisageable. J’espère sincèrement que les institutions qui offrent des cours en ligne continueront de les proposer, même après le retour du présentiel. Je crois vraiment que cela contribue à améliorer l’accès aux opportunités et cela me plaît.

Si fournir un accès aux cours est une chose, il me semble tout aussi important de soutenir les étudiants en dehors de ces cours. J’ai donc créé un site pour mes élèves, displaytypedesign.com, afin de célébrer leur travail et de leur apporter plus de visibilité. Et parce que se former demande un effort constant, j’ai fondé à peu près au même moment, en avril dernier, Type Crit Crew, une initiative pour favoriser le perfectionnement et les échanges entre designers typographiques expérimentés et étudiants du monde entier.

Mon cours en ligne, la bourse d’études, tout autant que Type Crit Crew, rendent possible la création d’une communauté internationale d’étudiants en design typographique. Mais je ne chemine pas seul. Je suis reconnaissant envers les designers typographiques qui ont rejoint Type Crit Crew en tant que formateurs et qui tendent la main aux générations actuelles et futures de designers. En particulier, je pense à Lynne Yun, une amie chère qui contribue à amener davantage de personnes vers le design typographique, grâce à son école Type Design School et sa propre bourse d’études BIPOC.

Mes espoirs pour un monde post-pandémie, c’est que les choses s’améliorent. Que les échanges sur l’accès, l’inclusion et l’égalité ne cessent jamais. Et que davantage de personnes trouvent leur manière d’aider, d’y contribuer.

Apprenez-en plus sur Juan Villanueva en visitant sa page de membre du Studio Monotype ici. Vous découvrirez quelques-uns des projets auxquels il a contribué, son parcours, ses motivations.